Mon Ascension du Mont Blanc

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Cet été, je suis monté sur le toît de l'Europe à 4810 mètres d'altitude. Comme c'est une expérience or du commun, je la partage avec vous du début à la fin.

La décision

Il y a plus de 10 ans, alors agé de 14 ans, j'avais déjà réalisé des courses de haute montagne dans les Alpes avec mon père. La dernière en date, et aussi la plus haute était le Mont-Blanc du Tacul : le troisième sommet le plus haut de la chaîne des Alpes françaises, tout prês du Mont Blanc. Nous l'avions réalisé en une journée en partant de l'aiguille du midi. C'était en 2001. Depuis, je n'ai plus eu l'occasion de chausser les crampons et empoigner un piolet pour différentes raisons. Il faut dire aussi que j'ai quelques mauvais souvenirs avec le vent et les quelques galères sur le moment lors de la montée. Mais la mémoire de la satisfaction d'être en haut, d'avoir une vue imprenable sur la vallée et avoir énormément de gaz autour de soi me manquait.
En avril 2008, alors que j'étais à Los Angeles, j'ai demandé à mon père s'il voulait monter le Mont Blanc avec moi. Lui l'a déjà fait il en 2003. Je ne sais pas trop ce qui m'a poussé à vouloir faire ça, mais c'est une addition de beaucoup de choses : l'envie de retrouver les grands espaces des Alpes, l'envie de me prouver que j'en suis encore capable, etc...
Mon père en a été enchanté puisque c'est l'année de ses 50 ans. La décision était donc prise de s'attaquer au Mont-Blanc durant l'été 2009.

La préparation

La montagne ne pardonne pas. L'alpinisme est dangeureux est les gestes doivent être précis et attentionnés. Il faut donc une bonne condition physique. Pour cela, je me suis remis plus sérieusement au sport tout le mois précédant notre départ : course à pied, tennis, marche avec sac à dos lesté, esacalade. Quasiment tous les 2 jours je partais transpirer un peu dans l'été chaud.
Puis je suis parti avec mes parents aux Contamines-Montjoie. Une semaine avant la date prévue de l'ascension pour se mettre du denivelé dans les mollets. Quelques photos de ces randonnées :

Mont Joly Mont Blanc depuis le Mont Joly Mont Blanc depuis le Mont Joly Mont Blanc depuis le Col de la Fen?tre Mont Blanc depuis le Col de la Fen?tre Depuis les chalets du Truc


Mais pour le Mont Blanc, une grande partie se fait sur neige. Je devais donc marcher avec des crampons et un piolet avant. Pour ça, on est parti un soir pour dormir au refuge de Tré la Tête chargé comme des mulets. Nous avons dû monter rapidement pour arriver à l'heure pour le repas, à 18h00 dans le chaud d'une fin d'après-midi d'été. Le lendemain, levé à 5h du matin pour déjeuner et partir doucement sur le glacier de tré la tête. Avant de réellement être sur la glace, nous avons marché pendant près de deux heures dans la moraine : très fatiguant à grimper et peut rapidement devenir très dangeureux.
Une fois réellement sur le glacier, on chausse les crampons et on s'encorde pour près de 4 heures sur le glace, à sauter au dessus des crevasses, s'entraîner à cramponer correctement sur la glace, planter le piolet, etc... Je me suis éclaté à ce petit jeu, sans voir les heures passées. L'exercice était intéressant, mais c'était de la glace. Le Mont Blanc, c'est de la neige. Nous avons fais quelques petits crochets pour marcher quelques minutes sur des endroits enneigés à cause du soleil.

Durant cette excursion, j'ai pu remarqué que la neige à énormément fondu. J'avais en effet grimper le sommet de la Bérangère en 2000 qui nécessitait des crampons très bas. Aujourd'hui, il est possible de faire ce sommet sans toucher la neige ! C'est là qu'on se rend compte que le changement climatique est bien réel, présent, et pas si loin que l'on veut le penser parfois...
Les photos de cet entraînement :

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Après cette excursion, nous avons encore effectué 2 autres randonnées : le col de la fenêtre et une autre petite, les chalets du Truc. Le tout pour ne pas perdre la condition physique et garder l'habitude du dénivelé dans les mollets.

L'ascension

Au début, il était prévu que nous partions le dimanche 2 août au matin pour réellement être au sommet le 3 août. Mais après une discussion avec le guide, nous avons décidé de repousser pour éviter de monter sous la pluie et les orages, ce qui peut être très dangereux ; je crois d'ailleurs que deux personnes sont mortes ce jour là à cause des orages...
Nous sommes donc réellement partis le 4 août, par le premier Tramway du Mont Blanc, au départ de Saint-Gervais à 7h55. Arrivé au nid d'aigle à 9h à 2372 mètres d'altitude, on commence réellement l'ascension. Il fait froid car nous sommes déjà sur le glacier. Le tramway était rempli et tout le monde part au même endroit, donc les chemins sont bien occupés. On essaie de passer devant les grandes cordées d'italiens qui sont ici car très embettant à doubler par la suite.
La première étape de l'ascension passe à côté du refuge de Tête Rousse à 3167 mètres d'altitude. Cette première partie n'est pas très difficile mais il y a un bon dénivelé de 1445 mètres. Nous l'avons avalé en 2h et quelques, ce qui est une très bonen moyenne.
Juste après Tête rousse, il y a le couloir de la mort à traverser. Derrière ce nom qui fait peur se cache en fait un passage à l'horizontal de près de 20 mètres de long très étroit où l'on doit s'encorder à un câble fixe. Ce passage doit être passé le plus rapidement possible tout en restant précis dans ses gestes car il est très dangeureux : en effet, de nombreux rochers tombent de la falaise en haut, et risque de nous blesser. Nous l'avons passer sans encombre pour ensuite entammer la grosse ascension pour atteindre le refuge du goûter à 3817 mètres d'altitude.
Cette partie est difficile aussi car elle est très raide ; on peut la comparer à du 4 en niveau d'escalade. Mais imaginer qu'il fait froid, que vous avez un sac à dos de plus de 10 kg dans le dos, et que l'altitude a son effet. On est bien sûr encordé. A 3500 mètres, je n'arrivais plus à respirer et j'ai été obliger de m'arrêter 2 minutes pour reprendre mon souffle. Le guide m'a donné un conseil que j'ai utilisé tout le reste de l'ascension : "Respire à fond". Il faut s'y forcer, et c'est vrai que ça passe mieux.
A 12h45 nous étions au refuge du goûter, prêt pour un bon casse-croûte.

En montant au Mont Blanc En montant au Mont Blanc En montant au Mont Blanc Glacier de T?te Rousse Glacier de T?te Rousse En montant au Mont Blanc


Au départ, nous deviens rester toute l'après-midi au refuge, à se reposer et s'acclimatter doucement pour ensuite partir le lendemain à 3h du matin à la frontale. Mais le guide nous a proposé une autre option : partir 45 minutes plus tard pour continuer l'ascension jusqu'en haut dès maintenant et revenir au refuge pour 18h30, passer la nuit tranquilement et redescendre le lendemain en douceur.

Comme je me sentais mieux, que mon père n'avait pas de problèmes, nous avons pris cette option. Ainsi, nous étions que très peu sur les pistes ce qui est un vrai plus : c'est une vrai autoroute quand tout le monde part en même temps le matin à la même heure.

Plus tôt que prévu, nous voilà donc dedans : dès le refuge du Goûter, on met les crampons et prenons le piolet à la main pour ne jamais les quitter. Il nous reste 1000 mètres de dénivelé à monter.

La course sur neige commence par une arrête quasiment horizontale assez agréable, mais sûrement difficile la nuit ! Puis la véritable ascension commence pour monter sur le dôme du goûter. Nous marchons bien et ne faisons pas beaucoup de pause. Zigzaguant sur le flanc de la montage, on profite du magnifique paysage avec seulement quelques nuages au loin.
Au dôme du goûter à 4200 mètres d'altitude, je croyais qu'on était monté très vite. Mais ensuite il faut redescendre près de 200 mètres dans un vallon pour ensuite remonter et attaquer les 2 bosses. C'est, comme son nom l'indique, 2 bossses qui sont sur des arrêtes, la première étant la plus raide. Un passage à côté du refuge Vallot qui n'est en fait là qu'en cas d'extrème urgence, ou une envie pressante avec ses toilettes sèches.

L'ascension des bosses a été difficile : le vent soufflait très fort. Personnelement, j'avais mal mis ma capuche et le vent ammenait des petits bouts de glace sur le visage qui me coupaient les lèvres et les joues. A la première pause, je me suis empressé de remettre mon écharpe et ma capuche pour ne plus être embetté. A la seconde bosse, j'avais plus chaud et de la buée sur mes lunettes, mais je n'étais plus embetté.
Dans cette période là, j'ai vraiment galéré. Parfois je m'arrêtais, mais le guide qui était devant continuait et me gueulait dessus pour continué, en me tirant avec la corde. On ne pouvait pas s'arrêter sur l'arrête, dans le vent si fort... J'ai eu beaucoup de mal dans la neige. J'appuyais sur un pied, il redescendait au même niveau que le premier. Je moulinais. Je n'avais pas la bonne technique. J'ai hurlé -le vent fait énormément de bruit !- au guide pour qu'il m'explique comment faire. Ce n'était pas non plus l'endroit pour une école de glace, mais ces rapides conseils m'ont permis de m'en sortir mieux.

Dans ces moments là, on se dit qu'on est con, inconscient de venir se mettre dans des situations pareilles. Mais on s'y est mis tout seul. Il y a un guide devant, mon père derrière. Alors on prend sur soi, on va chercher au fond des ressources qu'on ne pensait pas avoir.

Je me rappelle avoir demandé au guide si on était bientôt arrivé, car je voyais la montée se ralentir. Il m'a dit qu'il ne restait plus que quelques dizaines de mètres. Je ne le croyais pas vraiment, pensant qu'il disait ça pour me motiver. Puis il a commencé à planter son piolet et nous a dit : "Félicitations, vous avez réussi. Messieurs le Mont Blanc !"

J'ai fais un 360° en disant : "Magnifique !". Les yeux écarquillés comme un enfant qui découvre un jouet à Noël. Mais en mieux. En 1000 fois mieux. Summum du plaisir, nous étions seul. Seulement notre cordée sur l'arrête somminitale. Je profite. Je regarde partout. Je prends quelques photos. J'envoie un tweet par SMS : le premier depuis le sommet du Mont Blanc !

En haut du Mont Blanc En haut du Mont Blanc En haut du Mont Blanc En haut du Mont Blanc En haut du Mont Blanc Le guide en haut du Mont Blanc


Je n'ai pas enlevé longtemps mes gants, mais ça a suffit pour me geler le bout d'un doigt. J'ai gardé de drôle de sensations pendant près de 3 semaines, mais pas de mal.

La Descente

Mais il faut bien penser à redescendre. Le soleil était déjà rasant. Je demandais d'ailleurs souvent l'heure au guide. Il me répondait qu'il ne savait pas. En fait, le soleil était son indicateur. Il fallait être au refuge avant qu'il ne soit caché au loin derrière les autres montagnes...
Dès le début, mon père est parti rapidement devant. Mais il m'a fait peur. Vous voyez la démarche d'un zombie ? Et d'un alcoolique ? Et bien c'était un mélange des deux. Et croyez-moi, quand on est à 4800 mètres d'altitude, ça ne fait pas rire. Il a glissé plusieurs fois. C'est moi qui l'ai retenu en appuyant bien fort sur mes crampons. Il s'est fait enguelé par le guide pour qu'il se reprenne. Mais ça n'a pas changé grand chose. Il avait le mal des montagnes qui l'a pris d'un coup, dès le début de la descente.
Comme il était mal, je me concentrai sur lui, en essayant de le motiver pour qu'il se concentre au maximum. Je crois que c'est grâce à ça que je n'ai pas ressenti de douleur : il y avait déjà un malade, il n'en fallait pas deux. Dans ces moments là, quand on est une tout petite cordée de 3, au milieu de la montagne immense, avec le soleil qui descend au loin doucement mais sûrement, on ne fait pas le malin. Et même si on a un guide, on pense aux pires choses. J'ai même envisagé que mon père se fasse hélitroyer pour qu'on redescende tous les 2 avec le guide.
Bref, tant bien que mal, nous sommes redescendus plus lentement que prévu, avec des pauses pour permettre à mon père de se ressaisir.

En descendant du Mont Blanc Depuis le refuge du Go?ter Depuis le refuge du Go?ter Depuis le refuge du Go?ter Depuis le refuge du Go?ter


Une autre cordée était un peu en avance sur nous et ont demandés à attendre au refuge pour que nous mangions avec eux. Nous sommes arrivé un peu avant 19h. Mon père ne disait rien car très mal en point. Je l'ai motivé pour qu'il rentre rapidement et viennent manger. Il n'a pas pu avaler quoique ce soit. Moi j'ai mangé doucement et discuté avec l'autre cordée, à échanger nos sensations de notre ascension.

Le refuge était plein à craquer. Des gens ont dormis dans la salle à manger sur les tables, les bancs, sous les tables, par terre. c'est du grand n'importe quoi. Nous avions évidemment réserver, donc un lit nous attendait. Je suis rester éveillé jusqu'à 1h du matin à penser à cette journée et à veiller à ce que mon père soit bien, à aller lui chercher de l'eau, à manger, etc...

Bref, la nuit s'est bien passée. Le lendemain matin, réveil à 7h pour le petit déjeuner. tout le monde était parti et le refuge était bien vide. La descente n'est pas quelque chose de facile. On a toute la fatigue de la veille et il faut bien rester concentré, surtout dans le couloir de la mort. J'ai d'ailleurs glissé sur de la glace à cet endroit et je me suis explosé le genou dessus. Je me suis dépêché et je n'avais pas vu ce bout de glace. Mais le pire, c'est que 5 minutes plus tard, je suis retombé sur les genoux dans la moraine. J'ai terminé toute la descente avec cette douleur au genou droit, mais il fallait bien descendre. Durant la descente, on a croisé quelques chamois. Un notamment n'était qu'à quelques mètres de moi quand je me suis arrêté boire un petit coup, il a soufflé pour se faire remarqué et m'a surpris.

En descendant du Mont Blanc En descendant du Mont Blanc En descendant du Mont Blanc


Arrivé à 11h30 au nid d'aigle pour reprendre le tramway et redescendre à Saint-Gervais, la course était terminée. c'est là qu'on souffle, qu'on se rend compte des douleurs aux pieds, au genou, de la fatigue générale...

Pour finir

L'ascenscion du Mont Blanc, comme toute autre ascension d'ailleurs, est une expérience unique. Il faut s'entourer et se préparer pour une telle expérience. Et on a parfois des sueurs froides. Mais l'aventure en vaut la chandelle ! Je ne sais pas réellement comment décrire la sensation qu'on a là haut. Les photos sont belles, mais croyez-moi, ce n'est rien comparé à ce qu'on ressens au sommet, le fait de voir des montagnes à perte de vue, avoir énormament de "gaz" autour de soi n'a pas de prix.

Merci Papa pour ce Mont-Blanc...